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Les facteurs importants de l'orgue

Les facteurs de l'Orgue Saint-Martin:


Pierre de Montbrun, né à Pézenas le 29 décembre 1692 dans une famille noble, devient lieutenant des armées du Roi, (son père était capitaine) mais perd sa mère à l’âge de 4 ans et son père à 20. Il fait campagne en 1709, à l'âge de 17 ans, puis retourne dans sa ville natale avec la paix revenue. Comme saint Martin, ce soldat va se reconvertir, non pas en ermite mais, au contact de prêtres, en facteur d'orgue. Ses parents disparus, il aurait pu retrouver la fortune qui seyait à son rang en épousant une riche héritière, mais il s’éprend d’une roturière, Marie Laurens, également piscénoise, et lui fait un enfant en 1727. L’ondoiement, qui n’a lieu que plus de deux ans après, au lieu des quelques heures habituelles, et hors mariage (une honte à cette époque!), dénonce s’il en était besoin des problèmes autour de cet amour. Pierre de Montbrun, apparemment démuni, peut-être malade, trouve de l’aide auprès du prêtre du chapitre de Saint-Michel de Castelnaudary en 1730. Celui-ci obtient du père de Marie son consentement au mariage qui a lieu la même année. Ils n’ont aucun bien, mais grâce à l’aide de ce prêtre, et grâce à son courage, Pierre de Montbrun va se transformer en facteur d’orgue. Dès 1733, il travaille à la construction de l’orgue de Sorèze. La situation s’améliorant, il s’installe à Toulouse et travaille à l'orgue de St Sernin, la préférence lui est d’ailleurs donnée à la cathédrale de Toulouse devant François Lépine (père de Jean François) puis travaille à la cathédrale de Montauban, celle de Saint-Papoul, la collégiale de Montréal, ensuite à celle de Limoux.
Il va construire non seulement l’orgue avec toute sa mécanique mais aussi le magnifique buffet qui fait penser à ceux de Saint-Just de Narbonne, Cintegabelle et Sainte Cécile d’Albi construits par Moucherel.
Ce qui est certain, c’est qu’il a inscrit la date de 1742 toujours présente actuellement sur le cul de lampe central du buffet. Cette date est par contre confidentielle car non visible de la nef, haut perchée et cachée par une pièce de bois. Elle n’est accessible qu’aux acrobates curieux!

Le 29 août, Pierre de Montbrun demande une confirmation du bail aux nouveaux marguilliers. Le salaire accordé est de 10000£, 1500£ un an et demi après, et le reste à la volonté de l’œuvre. En réalité, le 7 mai 1743, il aura reçu 2000£, dont 1000£ de la part de l’œuvre, et 1000£ de la part du sieur Lafilhe, curé de Saint-Martin, dont nous reparlerons plus tard, et comme la somme totale est maintenant de 12000£, (des travaux supplémentaires ont dû paraître nécessaires), il reste donc 10000£ qui sera payée en rente de 500£ par an, avec 160£ d’intérêts. Ceux-ci commencent au moment où le buffet avec ses « ornements de sculpture » sera en place. Tout cela induit une rente de 20 ans. Or, le 16 avril 1767, donc 24 ans plus tard, l’œuvre mage lui doit encore 2100£. Mais Pierre de Montbrun est mort depuis 1748, et ses enfants ont donné en 1764 les biens de leur père aux pauvres de l’hôpital de Pèzenas, qui acquittent par l’intermédiaire du trésorier cette même somme aux héritiers. Le facteur avait fait son testament le 10 septembre 1742, à l’époque de la construction de l’orgue de Limoux, à l’âge de 50 ans, ce qui est, même pour ce siècle, relativement jeune. Se sentait-il malade, épuisé par le travail soutenu effectué pour faire vivre sa petite famille? De toute façon, il meurt 6 ans plus tard, à l’âge de 56 ans, après avoir travaillé à Granselve (Tarn et Garonne), Lombez, Gimond, et Rieux qui fut son dernier travail, inachevé. Il meurt à l’orgue de cette église, en plein travail. Il voulait laisser ses biens, au cas où ses enfants viendraient à mourir, aux pauvres, ce qui prouve sa foi et sa conscience de l’importance de la charité chrétienne, acquis peut-être au contact des prêtres qui l’ont toute sa vie entouré.
L’aisance avait fini par arriver dans son foyer toulousain, puisqu’il a changé de maison et s'est constitué des rentes.

 

Jean-François Lépine naît à Toulouse le 19 juillet 1732 d’un père facteur d’orgue, construit en l’espace d’une trentaine d’années, entre 1747 et 1783, onze instruments neufs et en restaure sept, travaille sur une trentaine d’orgues dans le Midi tout en poursuivant une carrière de marchands de draps (il est élu prévôt des marchands tailleurs en 1781). Sentant venir le malaise économique du règne de Louis XV, il préfère s’occuper en même temps du commerce de draps de son beau-père plutôt qu’essayer de survivre en tant que facteur d’orgue seulement, comme Pierre de Montbrun, qui avait réussi à force de travail à se forger une certaine aisance quelques années plus tôt. Le climat économique n’est pas très favorable à l’approche de la Révolution, les prix augmentent parfois du double. L’étain passe en vingt ans de 80£ à 130£, les peaux de mouton utilisés pour les soufflets de 6£ à 12£ la douzaine. Lépine écrit lui-même : « les vivres étoit de la moitié meilleur marché » Ce facteur intelligent prospère cependant, parvient même à des fonctions municipales lors de la période révolutionnaire, est élu Président du Conseil Municipal de Pézenas (décidément un village de l’Hérault qui attire les facteurs ayant travaillé sur Limoux !) et fait désormais partie de la petite bourgeoisie. Il y meurt en 1817, à l’âge vénérable de 85 ans, quelques mois seulement après sa femme. Il est intéressant de remarquer le chassé-croisé des deux facteurs importants de l’orgue de Limoux:
Pierre de Montbrun est né à Pèzenas et est mort à Toulouse, Lépine est né à Toulouse et est mort à Pézenas.

Extraits de "L'orgue de Saint Martin de Limoux" par Christine Tranchant

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